LPSTORY – LE MANS 55, LA TRAGÉDIE

Samedi 11 juin 1955. Une date à jamais marquée dans l’Histoire du Sport. Non pour un exploit, non pour un record, non pour une victoire. Mais pour une défaite, celle de la sécurité. Pour une tragédie, celle des 24 Heures du Mans. La grande institution qu’est la course d’endurance des 24 Heures du Mans, créée en 1923, a connu plusieurs accidents, plus ou moins mortels. Mais un accident aura été la goutte d’eau qui aura fait déborder le vase de la sécurité des Grands Prix de l’Époque. Un accident qui aura eu lieu en France, dans l’une des épreuves les plus mythiques, et qui aura coûté la vie à plus de quatre-vingts personnes.

Pourtant, en 1955, le plateau des 24 Heures du Mans était bien rempli et avait tous les ingrédients pour une bataille titanesque : cinq Ferrari, trois Mercedes, trois Jaguar et deux Maserati pour la catégorie reine. La première heure de course aura été rugueuse sous un soleil de plomb, avec une bataille à trois entre Jaguar, Mercedes et Ferrari pour la première place. Fangio, Moss, Hawthorn, Levegh, du bon monde, et une édition qui promettait d’être sensationnelle. Elle sera dramatique.

Il était 18h28, plus de deux heures après le départ, quand le drame s’est joué. Hawthorn avait pris la tête de la course depuis le départ, et était talonné par l’as des as, une grande star de l’époque, Juan Manuel Fangio qui, après avoir raté son départ, a claqué record du circuit sur record de circuit pour revenir sur la tête de course. Le voilà revenu en seconde position, non loin du Britannique. Au niveau des stands, là où les voitures voient leurs roues être remplacés, et les pilotes également, les spectateurs se massaient tout autour afin d’apercevoir leurs héros, leurs légendes. Perchés sur des escabeaux, ou installés dans les tribunes, des milliers de passionnés étaient présents sur le circuit.

Mike Hawthorn, sur la Jaguar, enchaîne les tours, et dépasse Lance Macklin, qui concède un tour de retard. Hawthorn se met alors sur la droite et semble lever la main pour signaler qu’il active son frein à main afin de rentrer au stand. Mais Macklin ne le voit que trop tard. Pour l’éviter, il réalise un brusque coup de volant sur la gauche, et freine, si bien qu’il bloque ses roues. Il perd le contrôle de son véhicule, qui se retrouve en plein milieu de la piste de danse. Le Français Pierre Levegh, sur sa Mercedes, ne peut rien faire pour l’éviter, alors qu’il est lancé à plus de 250 km/h. L’Austin de Macklin ayant un arrière-train plutôt rond, sert de tremplin à la Mercedes de Levegh. Elle décolle, et s’écrase sur le muret qui séparait la piste des tribunes. Dès qu’elle retombe, la Mercedes explose littéralement. Pierre Levagh meurt sur le coup.

Autour de cette funeste Mercedes, c’est le chaos. Des débris se transforment en missile sur les spectateurs : le train avant, l’aérofrein et le moteur se transforment en véritables projectiles, et tracent un sanctuaire dans les tribunes : plus de soixante-dix spectateurs meurent sur le coup. L’Austin de Macklin, elle, déséquilibrée, part en toupie vers la voie des stands. Elle tue sur le coup deux autres personnes : un journaliste et un commissaire de course ; un gendarme mourra de ses blessures quelques jours plus tard.

Fangio, lui, s’en tirera par chance peut-être : un miracle selon lui. Pour l’Argentin, c’est Pierre Levagh qui lui a sauvé la vie : le Français a levé sa main pour lui faire comprendre de ne pas le dépasser, quelques instants avant le Drame du Mans. Quant à Hawthorn, il dépassera son stand, et s’arrêtera quelques mètres plus loin. Il observera au loin l’explosion de la voiture de Levagh. Il est choqué, et court aux stands pour venir s’excuser auprès de Macklin. Mais ce dernier ne voulait rien entendre, et lui aurait lancé « Tu as failli me tuer, je ne te pardonne pas ! ». Si Mike Hawthorn voulait faire marche arrière, synonyme de disqualification aux 24 Heures du Mans, son directeur sportif lui ordonnera de réaliser un tour supplémentaire avant d’être remplacé par Ivor Bueb. En sortant de sa voiture, Mike Hawthorn est proche de l’hystérie, ne comprenant pas le choix de son directeur sportif, Lofty England, de vouloir continuer la course, car ce drame aura coûté 82 vies, et fait plus de 120 blessés, parmi les spectateurs et les pilotes.

Malgré cela, les organisateurs ne voulaient pas arrêter la course, ce qui aurait alors entraîné un mouvement de foule parmi les 300 000 spectateurs, qui quitteraient tous ensemble le circuit, et embouteilleraient la route, et ainsi pouvaient empêcher les secours d’intervenir sur les lieux du drame. Après l’abandon des Ferrari sur ennuis mécaniques, et des Mercedes après la tragédie qui a coûté la vie à un des leurs, la Jaguar de Hawthorn et Bueb passera la ligne d’arrivée en tête, après vingt-quatre heures de course. Mais ce ne sera pas ce résultat qui comptera dans l’Histoire, mais bien la tragédie de la voiture n°20 de Pierre Levagh.

Cette tragédie, la plus grande qu’ait connu le sport automobile, aura eu de fortes conséquences dans l’opinion publique. En effet, dès le lendemain, un sentiment fort de rejet vis-à-vis des courses automobiles a pris place en France, et dans le monde entier. Au Mexique, par exemple, le Drame du Mans aura conduit à l’annulation de la Carrera Panamericana, une célèbre course qui regroupait des centaines de voitures sur routes ouvertes et à plusieurs étapes. Certains gouvernements ont, dès lors, interdit toutes compétitions automobiles sur leur sol. Encore aujourd’hui, la Suisse s’y oppose, malgré deux relances dans l’opinion publique. L’année suivante, le Mans recommence sa course, comme si rien ne s’était passé. Néanmoins, les stands seront détruits puis reconstruits quelques mètres à l’intérieur du circuit, afin d’élargir la ligne droite devant les tribunes. Il aura fallu attendre 1976 pour que deux rails séparent la piste et les stands, mais surtout quarante années, et l’édition 1996, pour que de grands grillages de sécurité soient installés entre la piste et les spectateurs.

Dix ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la tragédie s’est immiscée dans le monde du divertissement, certains décrivant même la scène comme étant « plus horrible encore qu’à la guerre ». Si le sport automobile permettait et permet encore aujourd’hui de rêver et de s’échapper, il restera à jamais identifié par le Drame du Mans, et cette immense tragédie. La 23e édition des 24 Heures du Mans aura toujours cette part de sensationnel. Quand la mort donne rendez-vous à l’entrée des stands. Quand le cauchemar s’immisce dans les rêves. Le Mans 55, une funeste et tragique destinée.


Auteur : João

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer
close-alt close collapse comment ellipsis expand gallery heart lock menu next pinned previous reply search share star