LE GRAND POGACAR

Il était donc 19h07 en ce dimanche 20 septembre 2020 lorsque la 107e édition du Tour de France s’est terminée avec la première victoire de l’Irlandais Sam Bennett sur les Champs-Elysées. L’heure du bilan est donc venue.

Et à vrai dire, le premier vainqueur de ce Tour de France 2020 n’est autre que le Tour en lui-même. Qui l’eût-cru, il y a six mois, qu’on allait pouvoir revoir du cyclisme cette année ? Qui l’eût-cru que, malgré toutes les contraintes liées au COVID-19, la plus belle course à étapes du monde allait pouvoir se dérouler de Nice à Paris sans encombre durant trois semaines ? L’organisation ne se sera – quasiment – pas ratée. Oui, évidemment, ces supporters à la Loze ou à la Planche des Belles Filles auront été un peu trop nombreux, sans que les gestes barrières ne soit respectés à certains moments. Mais voilà, ces 3484.2 kilomètres auront bien eu lieu, trois mois après la date initiale. Amaury Sport Organisation aura donc réussi son coup, et prouve que la vie doit reprendre malgré le COVID, et que cette reprise ne peut se passer qu’à l’aide du sport, première source de motivation dans la vie de millions de personnes.

Ce Tour 2020 n’aura pas vraiment souri aux Français, très en retrait quasiment de bout en bout. Julian Alaphilippe aura tout de même doré le blason français en s’imposant à Nice lors de la seconde étape, revêtant le maillot jaune durant trois jours. Mais ce maudit ravitaillement lors de la 5e étape lui coûtera vingt secondes de pénalité, et on ne reverra plus Alaphilippe au sommet du classement. S’en suit alors une semaine cauchemardesque pour les Bleus, où Thibaut Pinot perdra tout espoir du général lors de l’étape huit : après sa chute à Nice lors de la première étape, son dos le faisait trop souffrir. L’enchaînement Port de Balès – Col de Peyresourde aura eu raison de son rêve de maillot jaune. Il y perdra 18 minutes. Et pourtant, ce samedi aura été illuminé par un superbe Nans Peters qui est allé chercher sa première victoire sur le Tour de France au terme d’une belle échappée. Ce sera la dernière victoire française de ce Tour de France. Les deux derniers espoirs français du Tour étaient sur le dos de Guillaume Martin et de Romain Bardet. Mais ce dernier chutera dans l’étape qui se jouait à domicile, au Puy Mary Cantal, et abandonnera à cause d’une commotion cérébrale. Et le premier cité n’aura pas réussi à tenir tête aux cadors, craquant dans le Col de Neronne, sans réussir à revenir dans les 11 kilomètres restants. Oui, Alaphilippe et Rolland s’amuseront à l’avant de chaque étape, mais aucun des deux n’aura réussi à décrocher une nouvelle victoire. Et la France se retrouve Fanny en terme de maillots à l’arrivée.

Et au général, le maillot jaune semblait se diriger irrémédiablement vers la Jumbo-Visma et Primoz Roglic. Rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Une armada jaune le protégeait en montagne, Wout Van Aert était aussi bouillant en montagne qu’en sprint, Tom Dumoulin proposait des relais énormes jusqu’au bout du bout. Son principal dauphin, Tadej Pogacar, avait perdu plus d’une minute dans une bordure lors de la très belle cinquième étape entre Île de Ré et Île d’Oléron. S’il avait récupéré quarante secondes à Loudenville, ces 48 secondes de retard étaient énormes. D’autant plus lorsqu’au Col de la Loze, ces 48 se transformeront en 57 secondes. Mais voilà, le Tour de France a cette magie qu’aucune autre course n’a. Et ce contre-la-montre qui reliera Lure et La Planche des Belles Filles révélera aux yeux du monde entier l’intelligence de course d’un Tadej Pogacar qui en avait gardé sous la pédale pour reprendre 57 secondes de retard sur 36.2 kilomètres de parcours intense. Roglic, lui qui était seul aujourd’hui, aura montré ses carences. Et c’est finalement son compatriote, son cadet de neuf ans, qui raflera tout, et entrera dans l’Histoire, devenant le plus jeune vainqueur de l’Histoire du Tour de France à 21 ans et 365 jours.

Primoz Roglic aura tout perdu, mais ce Tour de France aura tout de même eu un fort goût de championnat de Slovénie. Si le Norvégien Alexander Kristoff avait récupéré le premier maillot jaune en s’imposant au sprint à Nice, Julian Alaphilippe, puis Adam Yates s’étaient emparés du jaune durant plusieurs jours consécutifs. Mais voilà, ce petit pays qu’est la Slovénie s’est décidé à régner en France, et ce Tour de France s’est glissé dans leur musette !

Il y aura donc eu des drames sur les routes de cette Grande Boucle, avec ces cent coureurs à terre dès la première étape pluvieuse à Nice, ou encore les abandons de Bardet et de Bernal, victimes de chutes lors de la seconde semaine de course, du vent, avec de nombreuses bordures en première semaine de course, des sourires, avec les premières de Hirschi, de Bennett ou encore de Kamna. Mais finalement, on aura eu un des plus beaux vainqueurs de Tour de France, en la personne de Tadej Pogacar, qui aura été chercher son Maillot Jaune avec trois victoires d’étape, à Laruns, au Grand Colombier, et surtout à la Planche des Belles Filles. Tadej Pogacar aura été grand, très grand durant ces trois semaines !