TREMBLEMENT DE TERRE

Aucun joueur n’avait battu Rafael Nadal à deux reprises à Roland-Garros. Seuls Robin Soderling en 2009 et Novak Djokovic en 2015 avaient réussi l’exploit de dominer Nadal une fois sur l’ocre parisien. Le tennisman serbe avait rendez-vous avec l’Histoire. Il le savait, et il a écrit une nouvelle page ce soir en demi-finale de Roland-Garros. Pour rejoindre Stefanos Tsitsipas en finale, qui a dominé Alexander Zverev plus tôt dans la journée (6-3 6-3 4-6 4-6 6-3), Novak Djokovic a pris son temps face à Rafael Nadal mais a fini par le terrasser à l’usure, au terme d’un match titanesque de 4h11 pour quatre manches dantesques (3-6 6-3 7-6[4] 6-2), dont la seule 3e aura pris 1h37 !

Il était donc 19h09 sur le Court Philippe-Chatrier à la Porte d’Auteuil de Paris lorsque les premières balles ont été échangées entre Rafael Nadal et Novak Djokovic. Dès les premiers jeux, le ton est donné : Nadal prendra 9 minutes pour remporter son jeu de service après avoir sauvé deux balles de break (0-1) avant qu’il n’arrive à breaker Djokovic après 17 minutes de match (0-2). Le smash totalement raté du Serbe le retire du match, et le joueur des Balkans lâche à nouveau son service : après 30 minutes, Nadal mène 5 à 0 dans la première manche. Mais alors qu’il servait pour le gain du premier set (1-5), Nadal craque sur son service après ne pas avoir converti deux balles de set, et claque une double-faute qui offre le debreak à Djokovic (2-5). Ce dernier s’offre un sursis mais finira par s’incliner sur la 7e balle de set de Rafael Nadal (3-6) après… 1 heure de jeu !

Le match semblait s’équilibrer en fin de première manche, et cette impression se confirmera dans le second set : Djokovic monte en puissance et prend à la gorge Rafael Nadal qui enchaîne maintenant les fautes. S’il rattrape le break qu’il avait encaissé d’entrée (2-0 puis 2-2), le roi de la terre battue perdra à nouveau son service dans le sixième jeu, alors que Djokovic entre dans le court dès qu’il peut, attaquant de plus en plus et réalisant de moins en moins de fautes. Le numéro un mondial sauvera 5 balles de debreak sur ses deux derniers jeux de service, mais égalisera à une manche partout (6-3) après 1h51 de jeu.

Et c’est là que nous entrons dans un univers parallèle qui poussera même le numéro 10 mondial, l’Argentin Diego Schwartzman, à se demander – sur Twitter – si « nous pratiquons le même sport qu’eux deux » tant le niveau fut dantesque. 1h37 de jeu, la durée d’un match de football. Un set qui semblait vouloir, même pouvoir, ne jamais se terminer tant les deux joueurs se rendaient coup pour coup. Rafael Nadal, en difficulté sur son service, sauve deux premières balles de break au 3e jeu (1-2) avant de craquer sur son jeu de service suivant (3-2) en sauvant deux balles de break. Le scénario sera le même sur le service de Novak Djokovic, qui sauve deux balles de break également… avant de craquer sur la 3e : alors qu’il avait fait le plus dur en accélérant ses revers et en poussant Rafael Nadal hors du court, ce dernier le contre avec un énorme passing de coup droit décroisé irrattrapable (3-3). Mais Nadal y a laissé des forces et lâche totalement son jeu de service avec un break blanc en faveur du Serbe (4-3). Ce dernier doit à nouveau sauver une balle de break sur son jeu de service, mais réussit à confirmer son avance alors que le niveau se rehausse de plus en plus, à l’image d’un splendide coup droit décroisé qui laisse Nadal sur place (5-3). Mais alors que Novak Djokovic était à deux points de passer devant dans cette demi-finale (5-4 30-0), il craque totalement et laisse Rafael Nadal s’offrir une balle de debreak après un splendide coup droit en mode « lasso », son coup préféré. Djokovic, lui, lâche totalement son revers qui finit hors du court et donne le debreak à Nadal (5-5) alors que la barre des 3 heures de jeu vient d’être franchie. Le Serbe pousse Nadal à la faute et s’offre à deux reprises des balles de break sur le service de Nadal. Ce dernier arrive à les sauver et repasse devant (5-6). Novak Djokovic est au bord de la rupture : un coup droit long de ligne permet à Nadal de revenir à (40-40) puis un coup droit en profondeur pousse Djokovic à la faute et permet à Nadal d’obtenir une balle de set (40-A). Mais cette balle est merveilleusement sauvée par Novak Djokovic qui distille une merveille d’amortie qui passe la bande du filet et est trop courte pour Nadal. Dans la foulée, Djokovic tient bon et cette troisième manche totalement folle se décidera au tie-break.

Nadal débute ce jeu décisif avec une double-faute (1-0), avant de pousser Djokovic à la faute sur son revers (1-1). Le Serbe attaque davantage et sort un magnifique coup droit décroisé sur la ligne (2-1)… avant de mettre une amortie de revers dans le filet (2-2). Il enchaîne par un revers dans le couloir et permet à Nadal de passer devant (2-3). Djokovic distribue le jeu et enchaîne une très belle volée au filet (3-3) et un petit coup droit court croisé imparable pour passer en tête (4-3). Mais la catastrophe du jour se produit à ce moment précis du match, lorsque Rafael Nadal rate l’immanquable en envoyant une volée de coup droit dans les bâches après avoir géré le point de bout en bout (5-3). Si l’Espagnol se rattrape avec une belle amortie (5-4), il ne pourra rien faire face à un Djokovic surpuissant qui claque un ace (6-4) puis qui pousse son adversaire à la faute (7-4) pour s’offrir la troisième manche au terme de 97 minutes totalement débridées (7-6[4]) et près de 3h30 de match.

Alors que les 5.000 spectateurs du Chatrier criaient qu’ils ne « voulaient pas partir », dans ce contexte sanitaire si particulier qui impose un couvre-feu à 23h et un départ des spectateurs à 22h45 des stades, Marc Maury, le speaker de Roland-Garros, offre aux spectateurs et aux téléspectateurs des frissons en annonçant qu’une dérogation a été obtenue à la dernière minute afin que la demi-finale puisse se conclure avec du public jusqu’au bout de la nuit. Mais Djokovic, lui, ne voulait pas rester jusqu’au bout de la nuit : malgré un break d’entrée (0-1) sur un très mauvais jeu de service, et un Nadal qui confirme dans la foulée (0-2), le Serbe n’a pas dit son dernier mot et met la pression sur Rafael Nadal. Ce dernier ne peut rien faire sur un coup droit décroisé de « Nole », et enchaîne par une double faute et une faute en revers pour offrir deux balles de debreak à Djokovic. Une énième faute en coup droit de l’Espagnol permet au Serbe de debreaker (2-2). Ce dernier monte à nouveau en puissance et ne se laisse pas impressionner par l’intervention du médecin qui retire le strap à la cheville gauche de Nadal après un jeu blanc de Djokovic qui passe devant dans la 4e manche (3-2). Le Serbe enchaîne par un revers décroisé gagnant en long de ligne puis s’impose au terme d’un échange que Rafael Nadal aurait pu conclure… s’il ne serait pas trompé une nouvelle fois à la volée (30-30). Totalement en difficulté, l’Espagnol enchaîne par deux fautes en revers qui offrent le break à Djokovic (4-2) qui s’envole vers la finale de Roland-Garros.

Novak Djokovic décrochera son billet pour la finale moins de cinq minutes après, sur un énième break concédé par Rafael Nadal et un coup droit défaillant qui finit dans le couloir. 4h11 pour quatre manches et surtout la 3e défaite de Nadal sur l’ocre parisien : ce vendredi 11 juin 2021 aura été le fer de lance d’une nouvelle page de l’Histoire du tennis, dont Djokovic et Nadal auront été les héros, une fois de plus.

Auteur : João / Photos : Getty Images

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